Vivre ma ville : Delhi
Morgane Belloir est journaliste de radio et télévision. En 2014, elle part avec son compagnon s’installer à Delhi. De ses trois années passées dans la capitale indienne où vivent 18 millions d’habitants, elle garde le souvenir d’une ville déroutante, imprévisible et captivante. De retour à Paris, l’auteure de Portraits de Delhi parus aux éditions Hikari, revient sur cette expérience unique.
Pourquoi avoir choisi une expérience de vie à Delhi ?
Mon compagnon et moi avions le projet de nous installer à l’étranger. Nous cherchions un pays anglophone pour pouvoir y travailler mais pas de culture occidentale car nous souhaitions expérimenter autre chose. L’Inde s’est imposée peu à peu. Nous ne connaissions pas du tout ce pays. Nous avons sauté le pas en quittant nos deux jobs à Paris. Nous avons choisi Delhi, dans le nord du pays, pour son statut de capitale ; professionnellement, cela semblait logique. J’ai pris quelques contacts, notamment avec une société de production française implantée là-bas. Je suis journaliste reporter d’images pour la télévision et je travaille aussi pour la radio. Nous sommes arrivés en mai 2014, au moment de l’élection du Premier ministre. A la descente de l’avion, nous sommes « soufflés » par de très fortes chaleurs, un air à 40°C qui nous surprend immédiatement. A peine accueillis par la capitale indienne, sa chaleur étouffante semblait nous mettre en garde quant à la suite du programme. Sur la route, de l’aéroport au centre-ville, la circulation fait penser à un grand n’importe quoi. Nous vivions à Greater Kailash 2. Ce sont des quartiers plutôt aisés dans la banlieue sud de Delhi. Cette ville compte 18 millions d’habitants. En y ajoutant son agglomération, la population atteint 25 millions de personnes.
Parle-t-on de Delhi ou de New-Delhi ?
On dit souvent, à tort, New-Delhi. Mais il est plus correct de parler de Delhi.
New-Delhi a été construite au sud de la vieille ville (Old Delhi, capitale de l’Empire moghol jusqu’au début du XVIIIe siècle) sous la colonisation britannique. Les Anglais ont déplacé la capitale de Calcutta à New Delhi, jugée plus centrale géographiquement.
Delhi, c’est véritablement un Phénix ! Détruite et reconstruite plusieurs fois. Aujourd’hui, Delhi se compose à la fois de Old Delhi et de New Delhi.
Old Delhi, le quartier construit par les Moghols, ressemble à une médina où les rues sont étroites. On y trouve beaucoup de bazars et la plupart des principaux monuments à visiter. Ici, en empruntant une porte dérobée, on peut découvrir des maisons de maîtres magnifiques.
New Delhi, quant à elle, est contraire aux codes architecturaux de Old Delhi. Elle est composée de larges avenues. L’architecte britannique Edwin Lutyens s’est inspiré des villes européennes édifiant de larges avenues. L’India Gate, l’Arc de Triomphe indien, et l’avenue Rajpath font largement penser aux Champs-Elysées. A l’extrémité de cette avenue, on trouve le palais du président en plein cœur du quartier des ambassades. Il y a peu de commerces.
En 1947, au moment de la partition entre l’Inde et le Pakistan, de nombreux Hindous ont migré vers ce qui restait de l’Inde et beaucoup de Musulmans sont partis au Pakistan. A ce moment-là, Delhi s’est étendue de façon anarchique, sans aucun plan d’urbanisme.
Delhi est donc avant tout une ville anarchique. Je pense que c’est le sentiment de toute personne qui débarque dans cette mégalopole. C’est très déroutant. Il faut dépasser ces grandes artères, pénétrer dans les différents quartiers, pousser les portes pour découvrir les différents visages de Delhi.
Delhi, comme l’Inde en général, fascine et effraie en même temps. Pourquoi avez-vous aimé Delhi ? Comment l’avez-vous apprivoisée ? Avez-vous des conseils à donner ?
Un de mes amis, qui connaissait ce pays, m’avait dit : « Il faut lâcher prise, laisse tes codes occidentaux et accepte les imprévus car il y en aura toujours. » C’est une ville et un pays très drôles car nous voyons chaque jour beaucoup de choses incongrues pour nos yeux de Français. Bien sûr, la pauvreté est là, on la constate chaque jour et elle est choquante. La circulation routière est aussi déroutante. Mais il y a des monuments absolument incroyables. En arrivant en Inde, il faut être conscient qu’on va perdre tous ses repères. Tout change, nos repères sensoriels sont modifiés et il faut l’accepter, comme il faut accepter l’imprévu et un rapport au temps très différent. Laissez-vous surprendre car le voyage est partout.
Quels sont les incontournables de la ville ?
Incontestablement, « la nécropole de la dynastie moghole » où se trouve la tombe de l’Empereur Humayun et plus de 150 membres de la famille régnante moghole. Elle est entourée de jardins, c’est un havre de paix à Delhi. On est à l’abri de la cacophonie, on peut y passer une à deux heures facilement. Ce monument a servi de base architecturale pour construire le Taj Mahal.
Il faut aussi visiter Old Delhi parce que c’est l’âme de Delhi. Vous y trouverez le Fort Rouge, immense. Vous pourrez flâner dans les ruelles. Et découvrir les fabuleux bazars comme celui de l’outillage ou le bazar du mariage avec tous ces très beaux saris rouges. Ou encore le bazar des luminaires. Le bazar des épices est assez difficile à trouver. Il faut se laisser embarquer dans cette atmosphère si particulière et accepter de se perdre dans ce dédale de ruelles.
Allez découvrir la mosquée Jama Masjid, qui domine Old Delhi, absolument magnifique. Enfin, je conseille de se rendre au Gurudwara Bangla Sahib, le grand temple des Sikhs au centre de New-Delhi. Les Sikhs sont très accueillants. Il y a un grand réfectoire, dans les cuisines, où les Indiens apprennent aux rares touristes qui s’y rendent à confectionner des chapatis pour les fidèles. C’est un lieu de vie incroyable.
Quelles sont les religions pratiquées en Inde ?
Les Indiens sont très religieux. Les Hindouistes représentent 80 % de la population, les Musulmans environ 13 %, et les Sikhs seulement 2 % même s’ils sont très visibles avec leur turban. Tout le monde semble vivre ensemble harmonieusement. Il y a une grande tolérance religieuse au premier abord mais au fond, toute l’histoire de Delhi s’est faite autour de conflits religieux. Indira Ghandi a notamment été assassinée par son garde sikh, après avoir lancé l’assaut contre le Temple d’Or, l’édifice le plus sacré des Sikhs au nord de l’Inde.
Si on veut faire une pause dans un parc pour respirer un peu, où peut-on se rendre ?
Il faut aller au Lodhi Garden, dans New-Delhi, au sud de Connaught Place. L’entrée est gratuite. C’est un parc immense avec des tombeaux moghols magnifiques. Très tôt le matin, les Indiens viennent suivre des cours de yoga. On y trouve de multiples espèces d’arbres et de fleurs, un petit cours d’eau. On peut y pique-niquer.
Parlez-nous de la nourriture à Delhi. Quelles sont les précautions à prendre ?
A Delhi, on trouve toutes les variantes de la nourriture indienne, des différentes régions du pays. Il faut goûter aux dalhs (currys de lentilles aux variations multiples que l’on mange avec un pain chapati et différents condiments). Il existe de nombreuses sortes de lentilles tout comme les mangues. Il faut absolument déguster les mangues indiennes !
Goûtez aussi au butter chicken, un plat du nord de l’Inde, et aux plats végétariens en général. A l’origine, les Hindouistes sont végétariens. C’est une nourriture très épicée : si vous voulez moins d’épices et moins de piments, il faut dire « not spicy » et surtout « no chilly ». Sachez qu’ils en mettront moins mais ils en mettront quand même !
Souvent, ils accompagnent les plats de raïta, un yaourt nature au concombre avec un peu de tomates : cela adoucit le goût. Evitez les légumes crus et ne buvez pas d’eau du robinet.
Les Indiens boivent aussi beaucoup de lassis, ces préparations à base de yaourt et de lait, aromatisées à la rose ou à la mangue… Souvent, ils les boivent salés mais il y a aussi des lassis sucrés, davantage appréciés par les Occidentaux. On en trouve dans les échoppes de rue, dans les restaurants. Si vous achetez un jus de fruits frais dans la rue, préférez-le sans glaçon.
Comment doit-on se vêtir quand on est une femme ?
Si on est une femme blanche, blonde qui plus est, on est très observée. Mais personnellement, je me suis toujours sentie en sécurité. Evitez les mini-jupes et les décolletés ou alors portez un châle ! Mieux vaut porter un pantalon ou un pantacourt. Et nul besoin de se couvrir la tête.
Quel est le meilleur moyen de se déplacer à Delhi ?
Je conseille un auto-rickshaw, un scooter à trois roues, qui n’est pas complètement fermé et qui permet de s’imprégner de la vie dans la rue. A Delhi, ils sont verts et jaunes. Le métro est très pratique, propre et très confortable mais ne dessert que quelques endroits de Delhi. Sachez que les deux premiers wagons sont réservés aux femmes.
Que ramène-t-on de Delhi ? Où faire du shopping ?
Dans les bazars. On peut ramener un sari, du thé, des épices, des tissus magnifiques… Rendez-vous sur la place Nehru. C’est une grande place de magasins d’informatique : il faut se rendre derrière cette place où se trouvent beaucoup de boutiques de tissus. Je conseille aussi les Fabindia, une chaîne de magasins où l’on trouve beaucoup de vêtements notamment des kurtas (tuniques jusqu’à mi-cuisses avec pantalons larges), du thé, du savon, des épices et des produits ethniques fabriqués par les artisans des campagnes…
Quelle est la meilleure période pour visiter Delhi ?
Octobre et mars sont les meilleurs mois. La température tourne autour de 25°C, il n’y a pas de pluie. La saison des pluies a lieu de mi-juillet à mi-septembre mais parfois, il arrive qu’il ne pleuve qu’en août.
Retrouvez le guide Portraits de Delhi sur le site des éditions Hikari
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