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En provenance de Prague, Maureen Demidoff s’est installée à Moscou en 2007. Puis la journaliste et écrivain a quitté la capitale russe et ses 12 millions d’habitants avec nostalgie en 2015 pour revenir en France. Elle est l’auteure de Portraits de Moscou parus aux éditions Hikari. Maureen Demidoff porte un regard  touchant sur Moscou et les Moscovites qu’elle juge très attachants.

 

Racontez-nous votre arrivée à Moscou en 2007…

Je suis arrivée à Moscou en novembre 2007, c’était l’hiver, il faisait nuit, on pataugeait dans la neige fondue… Le ciel était bas, il faisait gris. J’arrivais de Prague, l’un des joyaux de l’Europe centrale: évidemment, ce fut un choc. En 2007, la ville était très asiatique et l’atmosphère, très chaotique. C’était la première fois que j’allais à Moscou même si mon mari est d’origine russe par son père. A cette époque, beaucoup de Russes, femmes et hommes, étaient très fatigués par Moscou et la Russie en général. Je me suis dit : « je dois retrousser mes manches et me confronter à la Russie ». J’ai très vite pris des cours de russe. Et puis, janvier est arrivé, avec ce magnifique ciel bleu lumineux. Un froid intense, certes, mais la ville devenait presque féérique.

Moscou a beaucoup changé ces dernières années, notamment depuis la crise de 2015. Vous avez vécu ces changements. Comment s’est-elle transformée ?

Il s’agissait tout d’abord d’une volonté du nouveau maire, Sergueï Sobianine (arrivé en 2010) de moderniser la ville. Avant lui, Loujkov, grand baron politique corrompu, n’avait rien fait. A l’époque, d’un point de vue architectural, il y avait l’héritage impérial mais aussi un héritage soviétique très fort et quelques bâtiments un peu plus contemporains. Dans la rue, de grosses voitures roulaient à côté de charrettes. Il n’y avait pas de règle de conduite, c’était un grand bazar, avec des marchands de fruits et de légumes devant de grandes enseignes qui proposaient des marques. La ville était extrêmement contrastée, avec une sorte de flou permanent. La Russie était et reste un pays de contrastes.

Serguei Sobianine a entrepris des travaux de rénovation extraordinaires, il a ouvert de grandes avenues, planté des arbres, organisé des parkings. Il a fait de Moscou une ville superbe, où l’on redécouvre les façades magnifiques sur les grandes artères. Moscou est devenue facile à vivre. Elle est aujourd’hui une mégalopole très aérée où l’on peut se balader à pied dans l’hyper centre avec beaucoup de plaisir. Le métro de Moscou, très beau, vous emmène partout en deux minutes.

 

Et les Moscovites dans tout cela ? Ce fossé entre les très riches et le reste de la population existe-t-il toujours ? Peut-on encore croiser des babouchkas à côté de la jeunesse branchée ?

C’est un peu tout cela en effet. Ce sont des hommes et des femmes très riches avec gardes du corps qui portent sur eux des signes ostentatoires de richesse, qui côtoient encore de vieilles babouchkas. C’est aussi une classe moyenne qui s’est beaucoup appauvrie avec les crises successives et des jeunes gens branchés qui étudient et travaillent beaucoup. Ceux-là sont très tournés vers l’Occident culturellement. Enfin, Moscou abrite encore des personnes très très pauvres. 

En 2007, on voyait ces gens très riches côtoyer des enfants des rues qui lavaient les vitres de leurs voitures et qui arrivaient des provinces voisines. Il y avait des hordes de chiens errants. On avait un spectacle humain invraisemblable.

En 2015, quand je suis partie, plus de chien dans les rues, plus de mendiant, plus de gamin, plus d’armes sur les gardes du corps… Moscou est devenue une ville apaisée avec une impression d’espace dans la ville très agréable.

Moscou s’est métamorphosée et avec elle, ses habitants. Ils ont changé leur comportement, se sont mis à se balader, à apprécier leur ville.

Après l’arrivée de Poutine, la Russie a connu un confort économique incroyable dans les années 2000, ce qui a beaucoup apaisé les Russes qui ont eu envie de profiter. Toujours avec cette crainte que tout peut s’arrêter du jour au lendemain, ça fait partie de leur ADN. En 2015, une nouvelle crise économique a tout bousculé, la monnaie a été dévaluée.

J’aime beaucoup les Russes, ils sont très attachants, ils tombent les masques très vite. On ne joue pas la comédie en Russie. Quand ils aiment, ils aiment de façon démesurée. Quand ils sont heureux, ils claquent leur argent d’un coup avec beaucoup de générosité aussi. Ils sont très contrastés. Les jeunes connaissent parfaitement l’histoire de leur pays. Ils ont cette conscience-là. Ils savent l’héritage qu’ils portent en eux. Cela en fait un peuple à part selon moi.

 

Quelles sont les visites incontournables à Moscou ?

La place Rouge est une évidence. C’est vraiment une grande claque, je ne m’en suis jamais lassée. A côté,  il y a la Lubjanka, ancien siège du KGB, aujourd’hui siège du FSB, les services secrets russes. Cette place Rouge est immense, recouverte de pavés, bordée par le grand magasin du Goum et par les remparts du Kremlin, puis, d’un côté, la basilique Saint-Basile et de l’autre, le musée de l’histoire de la Russie. Ce lieu est un concentré d’histoire. Au milieu se trouve le Mausolée de Lénine avec les tombes des anciens dirigeants du Parti communiste. Les Moscovites adorent s’y rendre, c’est le centre névralgique de Moscou. Quand on se marie, on se fait photographier sur la place Rouge. A Noël s’y tiennent de magnifiques marchés de Noël et l’été, on organise des concerts, des festivals, des défilés. C’est aussi sur la place Rouge qu’ont lieu les grands discours politiques ou les grands concerts militaires.

Lorsqu’on quitte la place Rouge, on traverse la Moskova sur un pont et on arrive dans le vieux Moscou, sur une grande rue, la Bolchaïa Ordynka. C’est une rue qui comprend trois monastères charmants avec de très beaux jardins ; le bruit de la ville s’éteint, c’est très plaisant. Je recommande la galerie Tretyakov, galerie d’art incontournable. En poursuivant, on débouche sur le ring avec son architecture soviétique très dure.

Personnellement, je recommande également le parc Gorki au sud de Moscou. C’est un immense parc sur les bords de la Moskova, devenu un très beau lieu branché, agréable, avec un cinéma de plein air, des restaurants à la décoration soignée, de grands poufs pour faire la sieste l’été, un étang où l’on peut faire du bateau… Il est très fréquenté les week-ends d’été par toutes les générations.

 

Quelles sont les expériences culinaires à recommander ?

A Moscou, les restaurants sont très modernes dans leur cuisine. On y trouve des cuisines très fines, des associations intéressantes, les chefs mélangent la cuisine asiatique avec la cuisine occidentale ce qui en fait une cuisine extrêmement inventive. Dans un même restaurant, on peut avoir des sushis, une soupe aux champignons, un rissotto à la truffe.

Plus généralement en Russie, on mange beaucoup de salades composées comme la fameuse salade Olivier qui ressemble à une macédoine. Ils aiment beaucoup les soupes, les cream soups, des soupes de champignons, de tomates… Citons aussi le délicieux Bortsch (un potage à base de betteraves rouges, chou, carottes…) ou les Pelnini, des petits raviolis à l’ours qui sont un plat sibérien, aujourd’hui plutôt au bœuf ou au porc et accompagné de crème fraîche. Il y a les blinis avec du saumon et du caviar accompagné de crème fraîche. Ils mangent beaucoup de caviar rouge, avec des œufs brouillés ou sur un morceau de pain. Un peu comme le hareng mariné très consommé aussi. Ce n’est pas une cuisine raffinée mais elle tient au corps car elle est adaptée au climat et à la géographie. Dès le printemps, Moscou bénéficie de tous les fruits et les légumes qui viennent des anciennes républiques soviétiques.

 

Comment se divertissent les Moscovites ?

Ils sortent beaucoup. La journée, ils se promènent même avec une température de -30 °C mais sous le soleil ! Ils vont patiner l’hiver, il y a plusieurs lacs à Moscou. Les Moscovites se baladent dans les parcs, font des barbecues dans les forêts l’été, au bord d’un lac.

Le soir, ils vont beaucoup au théâtre et à l’opéra. Il y a une vie culturelle importante à Moscou mais aussi plus généralement en Russie. Les spectacles ne sont pas chers, sauf le Bolchoï.  Et puisque les Russes ont parfois la vie dure, aller au spectacle est une évidence pour eux. Ils ont un rapport très fort avec leur patrimoine culturel. Ils sont très cultivés, ce qui les rend aussi très touchants.

Les jeunes femmes Russes sortent beaucoup entre copines, elles sont très sophistiquées. On ne sort pas en jean et baskets à Moscou.

Propos recueillis par Sabrina Rouillé.

 

Retrouvez le guide Portraits de Moscou sur le site des éditions Hikari

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